Les Ateliers du parfum

Edmond Roudnitska

Né à Nice en 1908 et mort à Cabris en 1996.

 

Derrière des parfums aussi célèbres que  Femme de Rochas, Diorissimo ou l'Eau Sauvage de Christian Dior se profile un homme fascinant qui se définissait lui-même comme une "machine sentante".

Pourtant rien ne semblait prédestiner le jeune Edmond Roudnitska à la parfumerie, pas de vocation chez lui. Ce sont les hasards de la vie qui l'amène à travailler dans ce domaine. Ce métier qu'il n'a pas vraiment choisi, il ne se contentera pas de l'exercer avec brio ; il y laissera son empreinte, son style. Mais il est fort à parier que cette personnalité hors du commun aurait fait pareil dans tout autre métier.

 

En effet, Edmond Roudnitska possède un esprit vif et curieux. Avide de connaissance, il ne cessera tout au long de sa vie d'apprendre et de se cultiver. Ardent défenseur de « L'Art de la parfumerie », il écrit de nombreux livres traitant de l'esthétique et défendant une certaine idée du parfum. Sa rencontre en 1943 avec Marcel Rochas, à qui il propose ce qui deviendra le parfum « Femme » lui ouvre les portes du monde très sélect des grands couturiers. Il compose ensuite de nombreux parfums pour ce créateur mais aussi pour Dior et Valentino. En 1951, il offrira L'Eau d'Hermès à la maison éponyme. 

Diorissimo  représente un tournant dans le travail d'Edmond Roudnitska. Le parfumeur remet en question son écriture et va désormais à l'essentiel, avec une formule épurée, allégée qui donne un résultat tout en transparence. Allégorie de l'insouciance et de la jeunesse, ce parfum est à la fois coquin, tendre et fragile. Un jour de printemps capturé dans un jeu subtil d'essences, avec comme thème un muguet lumineux.

 

Née en 1966,  L'Eau Sauvage , fille de  Diorissimo  marque toute une génération. Avec un succès jamais démenti, ce parfum ouvre la voie à la parfumerie masculine, ce qui d'ailleurs n'empêche pas les femmes de beaucoup l'apprécier.

Tout au long de sa vie, Edmond Roudnitska continue de composer et d'écrire. Il garde un nez d'une précision inouïe jusqu'à un âge avancé. Il s'éteint à plus de quatre-vingt dix ans à Cabris mais ses parfums continueront longtemps à nous enchanter.

LES PARFUMS D'EDMOND ROUDNITSKA

1939, It's you, Elisabeth Arden

1944, Femme, Marcel Rochas

1946, Mousseline, Marcel Rochas

1947, Mouche, Marcel Rochas

1948, Moustache, Marcel Rochas

1948, Diorama, Christian Dior

1949, La Rose, Marcel Rochas

1951, L'Eau d'Hermès, Hermès

1952, On dit, Elisabeth Arden

1955, Eau fraîche, Christian Dior

1956, Diorissimo, Christian Dior

1966, Eau Sauvage, Christian Dior

1972, Diorella, Christian Dior

1976, Dior-Dior, Christian Dior

1987, Grande Eau, Hermès

1990, Ocean Rain, Mario Valentino

2003, (posthume) Le Parfum de Thérèse, Editions de Parfums FM

LES LIVRES D'EDMOND ROUDNITSKA

 

L'intimité du parfum, Editions Olivier Perrin, 1974

Former les hommes, mythes ou réalité, Editions Olivier Perrin, 1975

L'esthétique en question, Editions P.U.F., 1977

Le parfum, Editions P.U.F. Collection que sais-je, n°1888 3ème éditions, 1990

Une vie au service du parfum, Editions Thérèse Vian, 1991

Germaine Cellier

(Je reprends cette semaine une série d'articles que nous proposions sur le site des Ateliers du Parfum, ils seront disponibles désormais sur le blog. )

 

Cette magicienne des odeurs est née à Bordeaux en 1909. Après des études de chimie, sa fibre artistique la conduit très vite vers la parfumerie. Elle sait s'imposer avec panache dans ce monde, encore à l'époque, exclusivement masculin.

Pour qui voudrait connaître Germaine Cellier, ses parfums sont un indice précieux. Reflets de la personnalité de leur créateur, ceux-ci sont d'une beauté sauvage, pleine d'audace. Le sombre Bandit ou l'intoxicant Fracas, tous deux crées pour le couturier Robert Piguet dans les années quarante, sont des références incontournables de la parfumerie moderne.

Vent Vert de Balmain lancé en 1945 est un vrai parfum d'avant-garde. Colette dira à son sujet "Il a un caractère vireux de végétal écrasé à la main. De quoi plaire à ces diablesses de femmes d'aujourd'hui". Saturé de galbanum, une substance à l'odeur très verte, ce parfum donnera naissance à une lignée de prestigieux descendants.

On reconnaît le génie à l'empreinte qu'il laisse non seulement sur son époque mais également sur les générations suivantes. Les créations de Germaine Cellier ont donné naissance à plusieurs familles de parfums. Chypre cuir, floral blanc ou vert, le style sans concession de cette femme au tempérament intraitable inspire encore aujourd'hui les parfumeurs créateurs.

LES PARFUMS DE GERMAINE CELLIER

Chez Piguet : Bandit (1944) et Fracas (1948)

Chez Balmain : Vent Vert (1945, reformulé en 1990), Elysée 63.84 (1945, n'existe plus), Jolie Madame (1953), Monsieur Balmain (1964)

Nina Ricci : Coeur Joie (1947)

Balenciaga : La Fuite des Heures (1949, n'existe plus).

Pour une biographie détaillée de ce grand parfumeur voir l'excellent article de Jeanine Mongin sur le site de la société française de parfumeurs. Pour lire cet article, cliquez ici.

 

 

Parfums d'iris

Si un rayon de lune avait une odeur cela serait sûrement celle de l’Iris. Froid, gris, poudreux et bleuté comme les ongles d’un noyé, l’absolu d’Iris, comme sa grande sœur la lune, capte la lumière mieux que personne. Dans les mains d’un bon parfumeur, il devient phosphorescent et empli l’espace olfactif d’un halo chimérique.

Mes choix de parfums

Enfermé dans le flacon aux lignes sobres de Chanel, se trouve une sorte de divinité de la verdeur, une créature des sous-bois aux yeux de jade. Dans, Le N°19, l’iris et la rose créent, au milieu d’un tableau fait de tiges vives et de feuilles froissées, une tâche de couleur argent et carmin, qui luit doucement au milieu du végétal. Lointain descendant de Nuit de Noël de Caron, le 19 révèle une subtile signature chyprée légèrement gainée de cuir et de santal. Un parfum qui crée autour de celle/celui qui le porte une aura incroyable et saisissante.

Mariage heureux entre l’iris glacial et la pêche duveteuse, Iris Gris de Jacques Fath jouit d’une grande réputation de beauté que je n’ai, malheureusement, pas pu vérifier. A sentir à l’Osmothèque et pour les plus aventureux d’entre vous, à chasser sur e-bay.

Si vous étiez un parfumeur très doué, (comme Maurice Roucel, par exemple), vous pourriez aisément tirer sur toutes les coutures de l’iris pour l’agrandir immensément, presque jusqu’à la déchirure. Vous obtiendrez alors, Iris Silver Mist (Salons du Palais Royal, Shiseido) un voile aussi fin qu’une toile d’araignée à l’odeur lumineuse et froide. Un superbe parfum aux lèvres blêmes et à l’allure spectrale.

Infusion d’Iris de Prada, pour une approche moderne, très facile à porter et peut être un peu trop familièrement synthétique dans les notes de fond mais très joli quand même.

Quels sont vos Iris préférés ? J’offre à la première personne qui commentera cette note un millilitre d’absolu de Lune, euh, d’Iris à 10% dans de l’alcool fin.

 

Téléchargé par billjacobus1

Mortels

La légende dit que la belle Perséphone fut capturée par Hadès, le dieu des enfers, alors qu’elle se penchait pour cueillir un narcisse d’un incroyable bleu profond, appât subtil, et peut être odorant, créé par Zeus lui-même, pour piéger la belle. En suscitant son désir, il la précipita dans les bras de la mort. Ce mythe grec est à l’origine du thème pictural de la jeune fille et de la mort. Dans cette thématique la Camarde est souvent représentée érotiquement mêlée à sa proie.

Le désir, la mort, Eros et Thanatos, deux complices inséparables.

Tout être, est le produit du désir et porte en soi sa finitude. C’est ce caractère dualiste, hautement renouvelable et périssable qui rend la vie si belle.

La fragilité des parfums, mortels eux aussi, n’est pas sans rappeler la nôtre. La quête des éditions vintages, cette soif de ce qui est perdu à jamais, nous renvoie cruellement à notre propre finitude. Oui, les parfums, comme les jeunes filles, meurent, ou parfois se décrépissent, deviennent laids, sous nos nez/yeux impuissants.

Comme nous, et comme tout ce qui est beau, le parfum est très facile à détruire. Malgré son caractère invisible il est profondément inscrit dans la matière, et très dépendant de la qualité de celle-ci. Ainsi, le parfum représente le symbole idéal de l’impermanence et illustre bien la dualité esprit/matière.

Ce mouvement perpétuel de l’odorant explique sûrement son lien historique très fort avec le sacré.

 

  

La table verte, ballet de Kurt Jooss

http://www.danser-en-france.com/repertoire/greentable.htm

 

 

 

 

La neige

La neige est tombée hier toute la journée. Depuis la fenêtre en face de mon bureau, le paysage a l'air d'une carte de Noël.

Il a des parfums que je trouve neigeux, comme Envy ou Diorissimo. Il y en a d’autres qui m’évoque une journée d’hiver, comme celle qui s’annonce aujourd’hui, c’est le cas notamment de Cabochard. Il est crissant et fumé, il a quelque chose du feu de bois qu’on sent dans la distance.

Et vous quels sont vos parfums de neige ?

 

Originellement téléchargé par cindy47452

A lire

A lire de toute urgence, l’excellente interview de Serge Lutens sur Perfume da Rosa Negra.

Extrait : Serge Lutens : « Je ne pense jamais au public : je suis moi-même le public, des gens aimeront d’autres non… Mon travail est une œuvre amoureuse, non une œuvre opportuniste. »
 

Bonne lecture!

Nouveauté et création

L’attrait de la nouveauté pour chacun d’entre nous est indéniable, pourtant, et surtout en parfumerie la véritable nouveauté est rare. Sur ce sujet, voici un petit extrait de l’essai « Questions de parfumerie » écrit par un collectif d’auteurs.

Savoir discriminer entre la « la nouveauté » et la création.

La catégorie de « nouveau », au sens du concept de nouveauté lié au marché, et qui proclame ce qui ne fut pas encore, porte fréquemment les marques du toujours semblable, sous des apparences extérieures sans cesse renouvelées. Si nous rêvons du nouveau, nous ne sommes pas toujours capables de le créer. C’est pourquoi il est nécessaire de démarquer la nouveauté de la création authentique. Le vice caché de la nouveauté est ce désir frénétique de nouveau qu’elle renferme, sa plus fréquente conséquence, la relativité de son caractère novateur. Cette relativité s’illustre dans la méconnaissance de ceux qui croient découvrir une note nouvelle, ce jamais senti, dont l’accord existait pourtant depuis longtemps, mais qu’ils ne connaissaient pas.
 
Questions de parfumerie, collectif d'auteurs sous la direction de Jean François Blayn, Corpman Editions

Invitation au jeu

Aujourd’hui pour changer je vous propose de jouer. J’offre cinq matières premières (bois de rose, cumin, mandarine jaune, bergamote, gingembre) diluées à 10 % à celui ou celle qui pourra répondre à cette question : Quel est le parfum que je porte lorsque j’ai besoin de douceur et de réconfort ? Un indice : j’en parlais ce printemps suite à une rencontre.

Pour clore la semaine, je vous invite également à une pause musicale avec l’un des titres qui passe en ce moment aux Ateliers du parfum … Un bon week-end.

Sinnerman -- Nina Simone
L'Affaire Thomas Crown - Scène finale

Vos roses préférées?

Puisque rien ne vient, laissons parler les grands. Après lecture de ce poème, peut être, pourriez vous me parler de vos roses préférées ?

Rose, ô toi la majestueuse, tu n’étais,
aux anciens, qu’un calice avec un simple bord.
Par contre à nous, tu es l’absolu de la fleur,
son infini, l’objet inépuisable.

Si riche, tu parais porter robe sur robe

d’apparat sur un corps qui n'est rien que splendeur ;

mais à lui seul ton pétale, aussi bien,
est l’éviction, le démenti de tout costume.

Depuis des siècles nous appelle ton parfum

de loin, de tous ses noms les plus suaves ;
soudain comme une gloire il est couché dans l’air.

Mais le nommer, non, nous ne savons pas. Nous
cherchons à…
Et voilà que vers lui s’en va le souvenir
que nous quêtions des heures de mémoire.

Rainer Maria Rilke, Les sonnets à Orphée, Editions Points, traduction de Armel Guerne

Image originellement téléchargée par Hamed Masoumi

Parfum du jour

Il se passe quelque chose de très désagréable ; je n’arrive plus à écrire.

Pas une ligne qui ne me paraisse grotesque ou inutile. Alors, une vidéo pour vous, lecteurs délaissés, car je ne vous oublie pas.

Oh, et aujourd’hui je porte Envy de Gucci, et vous ?

David Bowie 5:15 Angels have gone