Aux Ateliers du Parfum on aime Pablo Neruda. Parce que non seulement il est un des plus grand poète de tous les temps mais aussi parce qu’il aimait les femmes et surtout la sienne, Mathilde à qui il a dédié ses plus beaux poèmes:
Loin, dans les bois, j’ai coupé une branche noire,
Assoiffé j’ai porté son murmure à mes lèvres :
Était-ce donc la voix de la pluie qui pleurait,
Une cloche brisée ou un cœur mis en pièces ?
Quelque chose qui de loin m’est apparu,
enfoui dans sa lourdeur, recouvert par la terre,
ce sont les cris assourdis par d’immenses automnes,
par la nuit entrouverte, humide des feuillages.
Alors, se réveillant du rêve végétal,
la branche du coudrier a chanté sous ma bouche
et son errante odeur grimpa dans mon esprit
comme si tout d’un coup me cherchaient les racines
abandonnées, la terre perdue, mon enfance,
et je restai, blessé du parfum vagabond.
Pablo Neruda, La Centaine D’amour, poésie/Gallimard
Anna de NOAILLES (1876-1933)
(Recueil : Le coeur innombrable)
Les parfums
Mon coeur est un palais plein de parfums flottants
Qui s'endorment parfois aux plis de ma mémoire,
Et le brusque réveil de leurs bouquets latents
- Sachets glissés au coin de la profonde armoire -
Soulève le linceul de mes plaisirs défunts
Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes...
Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums,
Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes !
Parfum des fleurs d'avril, senteur des fenaisons,
Odeur du premier feu dans les chambres humides,
Arômes épandus dans les vieilles maisons
Et pâmés au velours des tentures rigides ;
Apaisante saveur qui s'échappe du four,
Parfum qui s'alanguit aux sombres reliures,
Souvenir effacé de notre jeune amour
Qui s'éveille et soupire au goût des chevelures ;
Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal,
Douceur du grain d'encens qui fait qu'on s'humilie,
Arome jubilant de l'azur matinal,
Parfums exaspérés de la terre amollie ;
Souffle des mers chargés de varech et de sel,
Tiède enveloppement de la grange bondée,
Torpeur claustrale éparse aux pages du missel,
Acre ferment du sol qui fume après l'ondée ;
Odeur des bois à l'aube et des chauds espaliers,
Enivrante fraîcheur qui coule des lessives,
Baumes vivifiants aux parfums familiers,
Vapeur du thé qui chante en montant aux solives !
- J'ai dans mon coeur un parc où s'égarent mes maux,
Des vases transparents où le lilas se fane,
Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux,
Des flacons de poison et d'essence profane.
Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement
En un coin retiré sur des nattes de paille,
Et l'arome subtil de leur avortement
Se dégage au travers d'une invisible entaille...
- Et mon fixe regard qui veille dans la nuit
Sait un caveau secret que la myrrhe parfume,
Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit,
Est un amas de cendre encor chaude qui fume.
- Je vais buvant l'haleine et les fluidités
Des odorants frissons que le vent éparpille,
Et j'ai fait de mon coeur, aux pieds des voluptés,
Un vase d'Orient où brûle une pastille...
La jeunesse
Tout le plaisir de vivre est tenu dans vos mains,
Ô Jeunesse joyeuse, ardente, printanière,
Autour de qui tournoie l'emportement humain
Comme une abeille autour d'une branche fruitière !
Vous courez dans les champs, et le vol d'un pigeon
Fait plus d'ombre que vous sur l'herbe soleilleuse.
Vos yeux sont verdoyants, pareils à deux bourgeons,
Vos pieds ont la douceur des feuilles cotonneuses.
Vous habitez le tronc fécond des cerisiers
Qui reposent sur l'air leurs pesantes ramures,
Votre coeur est léger comme un panier d'osier
Plein de pétales vifs, de tiges et de mûres.
C'est par vous que l'air joue et que le matin rit,
Que l'eau laborieuse ou dolente s'éclaire,
Et que les coeurs sont comme un jardin qui fleurit
Avec ses amandiers et ses roses trémières !
C'est par vous que l'on est vivace et glorieux,
Que l'espoir est entier comme la lune ronde,
Et que là bonne odeur du jour d'été joyeux
Pénètre largement la poitrine profonde !
C'est par vous que l'on est incessamment mêlé
A la chaude, odorante et bruyante nature ;
Qu'on est fertile ainsi qu'un champ d'orge et de blé,
Beau comme le matin et comme la verdure.
Ah ! jeunesse, pourquoi faut-il que vous passiez
Et que nous demeurions pleins d'ennuis et pleins d'âge,
Comme un arbre qui vit sans lierre et sans rosier,
Qui souffre sur la route et ne fait plus d'ombrage...
Rédigé par : therese steigert | 27 novembre 2007 à 11:09
Merci Thérèse de ces magnifiques poèmes d'Anna de Noailles que j'aime beaucoup, je ne connaissais pas le premier : les parfums, c'est tout simplement sublime!
Je vous souhaite une belle journée!
"Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
laisser du coeur vermeil couler la flamme et l'eau
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise."
Extrait de la Vie Profonde d'Anna de Noailles
Rédigé par : Nathalie | 30 novembre 2007 à 10:21