Aujourd’hui je vous invite à découvrir un nouvel extrait du magnifique livre de Michel Tournier «Vendredi ou les limbes du Pacifique ».
"Seuls ses yeux, son nez et sa bouche affleuraient dans le tapis flottant des lentilles d’eau et des œufs de crapauds. Libéré de toutes ses attaches terrestres, il suivait dans une rêverie hébétée des bribes de souvenirs, qui remontant de son passé, dansaient au ciel dans l’entrelacs des feuilles immobiles. Il retrouvait les heures feutrées qu’il avait passées, enfant, tapi au fond du sombre magasin de laines et cotonnades en gros de son père. Les rouleaux de tissu entassés formaient autour de lui comme une forteresse molle qui buvait indistinctement les bruits, les lumières, les chocs et les courants d’air. Dans cette atmosphère confinée flottait une odeur immuable de suint, de poussière et de vernis à laquelle s’ajoutait celle du benjoin dont usait en toute saison le père Crusoé pour combattre un rhume inextinguible."
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