J’ai découvert Huysmans il y a quelques années lors de mon premier voyage en Ecosse. Dans le train qui nous conduisait à Edinburgh, alors que nous avions épuisé tous les sujets de conversation, A. sortit son livre sur la couverture duquel se trouvait un détail intriguant de La Coquille d’Odilon Redon.
Je le compris plus tard, ce jeune homme au moi fragile qui m’accompagnait et dont j’étais alors très amoureuse s’était identifié au personnage fascinant de des Esseintes, tentant prosaïquement et maladroitement, au lieu d'être lui-même, d’apparaître tour à tour désespéré et excentrique …
"Il était, depuis des années, habile dans la science du flair ; il pensait que l’odorat pouvait éprouver des jouissances égales à celles de l’ouïe et de la vue, chaque sens étant susceptible, par suite d’une disposition naturelle et d’une érudite culture, de percevoir des impressions nouvelles, de les décupler, de les coordonner, d’en composer ce tout qui constitue une œuvre ; et il n’était pas, en somme, plus anormal qu’un art existât, en dégageant d’odorants fluides, que d’autres, en détachant des ondes sonores, ou en frappant des rayons diversement colorés à la rétine d’un œil ; seulement, si personne ne peut discerner, sans une intuition particulière développée par l’étude, une peinture d’un grand maître d’une croûte, un air de Beethoven d’un air de Clapisson, personne, non plus, ne peut, sans une initiation préalable, ne point confondre, au premier abord, un bouquet créé par un sincère artiste, avec un pot pourri fabriqué par un industriel, pour la vente des épiceries et des bazars."
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