Dès que j’ouvre la porte usée, dès que les deux marches branlantes ont remué sous nos pieds, ne sens-tu pas cette odeur de terre, de feuilles de noyer, de chrysanthèmes et de fumée ? Tu flaires comme un chien novice, tu frissonnes... L’odeur amère d’un jardin de novembre, le saisissant silence dominical des bois d’où se sont retirés le bûcheron et la charrette, la route forestière détrempée où roule mollement une vague de brouillard, tout cela est à nous jusqu’au soir.
Mais peut-être préféreras-tu mon dernier royaume et le plus hanté : l’antique fenil, voûté comme une église. Respire avec moi la poussière flottante du vieux foin, encore embaumée, excitante comme un tabac fin. Nos éternuements aigus vont émouvoir un peuple argenté de rats, de chats minces à demi sauvages ; des chauves-souris vont voler un instant, dans le rayon de jour bleu qui fend, du plafond au sol, l’ombre veloutée.
COLETTE, Le Voyage égoïste (Ferenczi, édit.).
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