Je n’attendais pas de mes vacances à Grasse autre chose que le plaisir de découvrir un peu ce monde secret de la parfumerie qui m’intriguait. Un stage de deux semaines qui m’enchanta tellement que je décidais de prolonger un peu mon séjour. Je m’inscrivais donc pour une semaine supplémentaire de cours. Je n’ai eu aucun pressentiment ce soir là, dans ma petite chambre sous les toits où écrasée de chaleur je ne parvenais pas à trouver le sommeil. Ma voisine et camarade de classe, spécialiste des thés verts et chimiste japonaise, s’était invitée un peu plus tôt dans la soirée avec une bouteille de vin blanc. Dans une migraine naissante, j’écoutais les bruits de la rue. Accablée par la moiteur ambiante, j’essayais de trouver un peu d’air et en désespoir de cause, je m’accoudais à la petite fenêtre. Le centre historique illuminé accrocha mon regard. Dans cette lumière artificielle, les hautes bâtisses collées les unes aux autres ressemblaient à un décor de cinéma. Comme à chaque fois que je contemplais cette vieille ville, une douce nostalgie m’envahissait. A cette vue, on devinait ce qu’avait du être la cité des parfums au temps de son apogée, comme on perçoit dans les traits de certaines vieilles femmes la beauté de leur jeunesse. Grasse gardait une élégance, un charme désuet et j’aimais à me perdre dans ses ruelles mal famées où le temps semblait s’être arrêté. Je ne savais pas encore que j’allais y faire parmi les plus belles rencontres de ma vie et que cette ville fatiguée où je m’étais rendue par hasard - mais est-ce que le hasard existe vraiment ? - allait me changer à jamais.
A suivre …
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