Les matières premières, chacune avec sa personnalité, sont pour moi comme des êtres vivants ou des personnages de fiction. Parfois même elles contiennent dans leurs molécules des mondes. Pourtant quand je les retrouve enfermées dans leurs petits flacons en rang d’oignon, par ordre alphabétique, elles ont l’air si sages… Tout est calme, ma main courre le long des étagères, j’ouvre un flacon au hasard et il s’en échappe un petit génie, parfois malicieux et charmeur, parfois séducteur, parfois brut et un peu mal élevé… Aujourd’hui celui qui s’évade de sa petite prison de verre est sombre et dense, à la fois par la couleur et par l’odeur.
Un frisson me parcoure l’échine et je me retourne nerveusement. C’est une créature de la forêt…Le dernier lieu magique. Lorsqu’on s’enfonce dans les bois, on perd rapidement ses repères et plus les traces de ses semblables se font ténues plus on est sur le qui-vive : craquements de branches, cris étranges, mouvements flous dans les feuillages, odeurs primitives, la peur n’est pas loin.
Cette matière là a l’aspect et l’odeur d’un puissant élixir, une espèce de jus de sorcière dans lequel, j’aime à imaginer, des crapauds et des escargots bouillants parmi les ailes de chauve-souris et les lichens soigneusement cueillis un soir de pleine lune. Ses effluves amers et poussiéreux m’emportent vers les légendes d’avant la chrétienté. Des images et des noms me viennent à l’esprit : Avalon, la fée Morgane, Merlin l’enchanteur. Cet esprit des bois, à la fois fée sylvestre et fille de la mer est un des ingrédients-clés des Chyprés, ces beaux parfums élégants et sensuels.
A suivre...
Les commentaires récents