Le dépaysement nous libère de l’endormissement de nos sens généré par la routine. Voyageons un peu aujourd’hui grâce au poète Pablo Neruda. Une nuit mystérieuse traversée de chants et d’odeurs dans une île qui s’appelait encore Ceylan :
« Pas à pas je découvris l’île. Une nuit je traversai tous les faubourgs obscurs de Colombo pour assister à un dîner mondain. D’une maison dans l’ombre s’élevait la voix d’un enfant ou d’une femme qui chantait. Je fis arrêter mon rickshaw. Arrivé à deux pas de l’humble seuil je fus surpris par une odeur qui est celle, caractéristique, de Ceylan : un mélange de jasmin, de sueur, d’huile de noix de coco, de frangipanier et de magnolia. Des visages sombres, qui se confondaient avec la couleur et l’odeur de la nuit, m’invitèrent à entrer. Je m’assis en silence sur une natte, tandis que persistait dans l’obscurité la mystérieuse voix humaine qui m’avait incité à m’arrêter, voix d’enfant ou de femme, tremblante et sanglotante, qui montai jusqu’à l’indicible, s’interrompait soudain, descendait pour devenir aussi obscure que les ténèbres, s’associait au parfum des frangipaniers, s’enroulait en arabesques et retombait brusquement de tout son poids cristallin, comme si le plus haut des jets d’eau avait touché le ciel pour se laisser choir ensuite parmi les jasmins.
Je demeurais longtemps immobile, livré au sortilège des tambours et à la fascination de cette voix, puis je repris ma route, grisé par l’énigme d’un sentiment indéchiffrable, d’un rythme dont le mystère émanait de la terre entière. Une terre sonore, enveloppée d’ombre et de parfum. »
Pablo Neruda, extrait de J’avoue que j’ai vécu
bonjour Nathalie
Quel bel article que celui retrouvé dans la revue de Givaudan parlant de Grasse.... une évocation merveilleuse du passé, mais surtout que vos lecteurs ne pensent pas retrouver cette atmosphère dans la Grasse d'aujourd'hui...les champs de fleurs pour la plupart ont laissé la place au béton, les ruelles n'embaument plus "la fleur ", à la rigueur quelques odeurs de fraise ou d'oignons frits car les arômes alimentaires prennent le dessus sur la parfumerie...
les essences sont souvent produites à l'étranger pour des raisons de cout...
Il y a eu à Cannes la semaine dernière un congrès de professionnels intitulé le WPC...
C'est vrai que les marques souhaiteraient réabiliter le naturel ( mais encore en connaissent elles le prix, un kilo d'essence rose turque coute la modique somme de € 4500
)Et en utiliser 1% dans notre composition fait littéralement exploser le prix de revient de la compo....) Et puis il y a les réglementations qui sont en train de tuer notre monde du rêve...
R.E.A.C. H.... Une belle invention de BRUXELLES qui va encore pénaliser le parfum, alors que cette réglementation ne s'attaque pas à l'agro alimentaire....
Il y a deux ans une réglementation sur les allergènes a fait en sorte que nous devons limiter l'utilisation des essences de citron ou de bergamote dans nos compositions, et seul GIVAUDAN avait fait paraitre un article dans le FIGARO pour faire remarquer que nous ne devrions plus presser une orange ou un citron car le taux d'allergènes serait supérieur à 180 fois celui autorisé dans un parfum...
la semaine dernière il a été dit au WPC que la Noix Muscade contient du safrol, produit cancérigène... Mais l'orateur a fait remarquer avec humour, et pourtant il s'agissait d'un chimiste de haut niveau, qu'il n'avait pas encore interdit à sa femme dans mettre dans sa purée de pommes de terre...
je pense qu'il est grand temps que le consommateur sache que nous prenons soin de lui, que nous respectons des réglementations et à ma connaissance personne n'est encore mort d'avoir utilisé un parfum...
nous memes, les parfumeurs-créateurs depuis des décennies ne devrions nous pas être atteints de toutes sortes de maladie, d'irritation, de boutons et autres...
nous vendons du rêve, donc nous sommes vulnérables... va t on en arriver à vivre dans un monde complétement aseptisé, sans odeur...Sans arbres car ils apportent des pollens ( Grasse a déja commencé en remplaçant les platanes et depuis hier un olivier.... par des palmiers qui n'ont rien de provençal...- peut être parlera t on un jour des allergies produites par les palmiers??? mais pour le moment c'est un phénomène de mode.. Je rappelle que la ville de Grasse ne fait pas partie de la Côte d'Azur , mais de la Provence, pour preuve ce drapeau jaune et rouge que je vois flotter en ce moment sur le toit de la mairie...)
J'aime mon métier et combien on est heureux quand on se rend compte qu'on apporte un petit peu de bonheur à des gens qui n'ont pour séduire que le moyen d'acheter un shampooing avec un parfum agréable ... On ne rêve pas dans les rues de Bombay à J'adore ou Chanel 5, à moins de faire partie d'une élite très restreinte qui achète ses parfums en duty free shop, mais à la dosette de shampooing de 3 grs qui va faire que l'on pourra avoir des cheveux qui brillent et qui sentent bon...
pardon pour ce discours qui manque de poésie, mais j'aimerais que l'on sache que nous ne faisons pas tout et n'importe comment, qu'il y a des recommandations que le consommateur ne connait pas ( IFRA/ RIFM pour ne citer que celles ci ....)
Trouvez vous normal qu'il faille étiqueter un flacon d'eau de toilette contenant 5 % d' essence de lavande car celle ci contient du linalol qui serait irritant, et en même temps trouver cette même essence PURE dans une pharmlacie sans aucun étiquetage pour être utilisée pour des massages???
je vous laisse en tirer les conclusions ....
Rédigé par : françoise Marin | 16 juin 2007 à 15:35
Tout à fait d'accord avec vous, Françoise, avec tous les produits "soit-disant" cancérigènes, allergènes… bref nocifs, dont nous nous vaporisons, que nous avalons, respirons ou touchons au quotidien, je me demande comment est-il possible que notre espérance de vie est en constante augmentation....
Ne serait-ce pas malheureusement pour anticiper les attaques, que ces lois existent aujourd’hui ?
Car voilà, le filon des fabricants de tabac est à sec, celui des vendeurs de hamburgers qui bouchent nos veines et rendent nos enfants obèses, arrive à épuisement…
Voilà, à l’avenir, la cible sera la firme qui fabrique notre parfum préféré, ou notre lait corporel favori, ou encore, peut-être, celle qui a fabriqué ce fameux stick pour les lèvres dont on ne peux plus se passer, tellement il sent bon le baume du Pérou. (Arrghh, Attention, baume du Pérou, produit hautement toxique) …. Quand je pense que les Poilus utilisaient ce baume pour soulager leurs maux durant la Grande Guerre, rendez-vous compte, vous échappez à la mort dans les tranchées, et périssez dans d’atroces souffrances de vous être trop badigeonné d’un produit à base de baume du Pérou, quel triste fin. (A titre informatif, l’autopsie du dernier poilu, (Emiliano Mercado del Toro) (1891 – 24 janvier 2007) n’a pas permis d’établir un lien entre la cause du décès et l’usage excessif de baume du Pérou 89 ans plus tôt.)
Bref, trêve de plaisanterie, aujourd’hui, si ce n’est pas mentionné sur un produit de nettoyage qu’il n’est pas fait pour le boire mais pour décrasser sa salle de bain, il est certain qu’un petit malin va l’avaler, et si ça ne le tue pas, il va devenir riche… au même titre, quelqu’un qui tombe malade, pourrait soupçonner et mettre en cause le linalol présent dans son parfum… sauf si la présence de celui-ci est indiquée sur le flacon.
Rédigé par : Caroline | 17 juin 2007 à 23:03
Françoise,
Merci pour votre commentaire et vos explications. Cette mise au point est vraiment salutaire !
C’est vrai que Grasse a bien changé depuis que le Sieur Boussaret entreprit son voyage vers le sud, mais elle garde encore, à mes yeux, un certain charme. Oui, malheureusement les champs de rose et de jasmin se sont réduits comme peau de chagrin et les quelques cultures qui restent sont certainement en sursis, c’est dommage, mais la réalité économique est difficile à surmonter. Reste que de nombreux parfumeurs, comme vous, sont originaires de cette ville et de nombreuses petites et moyennes entreprises qui gravitent autour du monde de la parfumerie forment encore le tissu économique local. Mais c’est vrai une part du rêve s’est écroulé … J’ai quand même beaucoup de tendresse pour Grasse et ses jolies ruelles.
Les problèmes de régulations que vous évoquez me semblent représenter un véritable défi pour l’industrie de la parfumerie. J’ai l’impression, et je vois cela de l’extérieur, qu’il n’y a pas d’unité entre les différents acteurs de ce secteur et que tout cela finira par nuire à l’ensemble de la profession. De plus, le grand public est tenu à l’écart de ces débats et pourtant il est le premier concerné. Je suis sûre que la plupart des gens n’ont pas envie de voir leurs parfums amputés d’ingrédients essentiels à leur beauté et ceci au non d’une sacro-sainte sécurité qui devient littéralement maladive dans notre société.
Peut on imaginer un monde où les Chypres ne contiendraient plus ni bergamote ni mousse de chêne ? Nous nous dirigeons pourtant doucement ver ce « monde parfait » où tout sera lisse, fade, sans aspérités et sans danger à part celui de mourir d’ennui ! (J’ai lu récemment et c’est un autre domaine que certaines pratiques sexuelles augmentaient le risque de développer un cancer de la gorge ! A quand l’interdiction de la fellation ?) Bon, je rigole, mais plus sérieusement ; devrait-t-on renoncer à tous les plaisirs que nous offre la vie sous prétexte de rester (mort-) vivant plus longtemps ? Qui a envie de ce monde là ? Pas moi en tous cas ! Cela dit, soyons un peu raisonnable ! Qui pense vraiment qu’on pourrait mourir de se parfumer ?
Pardon de ce ton un peu énervé, peut-être vais-je encore me faire tirer l’oreille, mais je trouve dommage que les gens concernés ne se mobilisent pas un plus.
Caroline,
Merci de soulever le problème du dermophile Indien. Je souffre malheureusement depuis plusieurs années d’addiction à ce produit. Malgré les nombreuses cures de désintoxication que j’ai subies, je ne peux décidément pas m’en passer ! J’ai bien essayé de remplacer le fameux stick pour les lèvres par des produits équivalents mais il me manquait quelque chose, peut-être ce petit frisson à l’idée de vivre dangereusement ?
Rédigé par : Nathalie | 18 juin 2007 à 15:07