On trouve, dans Le Journal de Julien Green, cette note : «Lu dans Fénelon un morceau étrange, description d’une sorte de pays de Cocagne faite à l’usage du duc de Bourgogne, mais où un psychanalyste verrait peut-être l’aveu d’une gourmandise secrète». Ce «morceau étrange», c’est le fameux Voyage dans l’Ile des Plaisirs. C’est dans cette fable que l’on voit Fénelon attribuer à l’odorat des fonctions et des pouvoirs inattendus.
Reprenons le fils de son histoire. Son touriste, après avoir acheté, chez le «marchand d’appétit des relais d’estomacs» qui lui permettent de faire, en un jour, «douze festins délicieux» et de goûter ainsi à tous les produits merveilleux de l’Ile, se laisse tenter, le lendemain par une manière inconnue et très exotique de se nourrir. Il s’agit seulement de respirer des parfums et de humer des odeurs.
«Je pris la résolution de faire tout le contraire le lendemain, et de ne me nourrir que de bonnes odeurs. On me donna à déjeuner de la fleur d'orange. A dîner, ce fut une nourriture plus forte : on me servit des tubéreuses et puis des peaux d'Espagne. Je n'eus que des jonquilles à collation. Le soir, on me donna à souper de grandes corbeilles pleines de toutes les fleurs odoriférantes, et on y ajouta des cassolettes de toutes les sortes de parfums. La nuit, j'eus une indigestion pour avoir trop senti tant d'odeurs nourrissantes.»
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